Dajana et Ivo ont osé. Depuis septembre 2018, ils font le Tour du Monde en voilier sans date retour, au gré des vents et des envies. Leur récit est d’autant plus inspirant qu’ils ne possédaient, avant le départ, aucune expérience de la voile… rendant donc cette aventure accessible à tous !
J’ai voulu en savoir davantage sur leur parcours et leur état d’esprit après 2 ans de navigation, et partage dans cet article les réponses spontanées et sincères de Dajana à mes questions.
Retrouvez les aventures de Dajana et Ivo sur leur blog
Silkap – tour du monde en voilier.
Tour du Monde en voilier
Mes 10 questions à Dajana et Ivo
Q1 : Pouvez-vous nous présenter votre projet de Tour du Monde en voilier ?
Nous sommes Dajana, la quarantaine ou presque et Ivo, la cinquantaine. Alors que nos vies professionnelles et privées connaissent une pente descendante et après 5 mois de relation, un livre inspirant va nous donner l’envie de changer radicalement de vie. C’est le récit d’une famille belge partie voyager autour du monde sur un catamaran, sans expérience (Escales buissonnières dans le Pacifique Sud – Eric Laruel).
La préparation de notre voyage prendra presque quatre ans : apprendre à naviguer, trouver un bateau, le préparer, liquider ses biens et régler les obligations familiales. Nous sommes partis en septembre 2018 depuis le sud de la France voyager sur un voilier au long cours, en couple, à temps plein et pour une durée indéterminée, dans les eaux chaudes autour du globe. Tant que la santé, le budget et l’envie nous le permettront…
L’aventure en mer vous tente mais vous n’avez pas de bateau ?
Optez pour la location de voilier avant de jeter définitivement les amarres !
Q2 : Votre itinéraire est-il déjà tout tracé ou pas mal improvisé ?
Les chemins des « tourdumondistes» en bateau se ressemblent beaucoup. Non pas par manque d’inspiration, mais à cause des vents, des courants et de la sécurité (piraterie, guerres, régime politique…). Pour nous, ça sera les Canaries, le Cap Vert, les Petites Antilles (les Caraïbes), les îles Aruba-Bonaire-Curaçao, Colombie, Panama, Polynésie française, les îles du Pacifique comme Tonga, Fidji, Wallis et Futuna, Vanuatu et Nouvelle Calédonie, ensuite la Nouvelle Zélande et l’Australie. Finalement, notre parcours passe principalement par des îles.
Plus nous avançons dans notre voyage et plus nous nous rendons compte que prévoir un parcours précis avec des dates précises ne sert à rien. Un voilier est contraint aux aléas de la météo et des réparations perpétuelles. De plus, la pandémie du covid chamboule tout. Nous avons adopté un style de voyage lent : visiter moins mais mieux. Notre luxe, c’est d’avoir du temps.
Q3 : Quelle préparation faut-il pour un Tour du Monde en voilier ?
Devenir nomade des mers demande tout d’abord de régler les aspects administratifs : domicile, banque, assurances, impôts, abonnements. Ce n’est pas aussi simple d’être des « SDF » aux yeux de la loi ! Le meilleur moyen, c’est de se renseigner sur les blogs de ceux déjà partis.
Ensuite, il y a la préparation du bateau à la navigation au long court. Un voilier est une maison flottante au milieu des océans. Elle doit être capable de fournir suffisamment d’électricité, de stocker du gaz, de l’eau et de nourriture, de pièces détachées et de barrer toute seule. Selon l’itinéraire, le budget disponible et le confort requis, il faut pouvoir l’équiper pour assurer son autonomie.
Finalement, il y a la préparation de l’équipage. Des pays comme la France, la Belgique ou les Pays Bas n’exigent aucun permis de navigation. La Suisse par contre, demande un permis mer (hauturier) et une licence radio VHF. Pour notre part, comme nous n’avions aucune connaissance de navigation, nous avons passé le permis mer, complété par des cours d’électricité, de moteur diesel et de médecine à bord. D’autres sont partis sans aucune expérience et ont appris sur le tas…
Q4 : Quel est le matériel indispensable à une telle aventure ?
Voyager en voilier demande une autonomie énergétique. Cela veut dire avoir des panneaux solaires et un parc de batteries suffisant pour stocker l’énergie. Pour la navigation, on a besoin des cartes maritimes électroniques et d’un GPS, d’une installation qui indique la vitesse, la direction du vent et la profondeur et d’un autopilote. Pour pouvoir communiquer, il faut une radio VHF. Pour pouvoir aller à terre, une annexe (un petit bateau, souvent gonflable) avec un moteur. Pour mouiller, une bonne ancre et suffisamment de chaîne (minimum 50-60 mètres). Pour se soigner, une pharmacie de bord bien fournie.
Selon la législation du pays où le bateau sera enregistré, on doit aussi avoir à bord un certain équipement de sécurité. Une chose, à laquelle on ne pense pas forcément au départ, ce sont tous les outils de bricolage et toutes les pièces de rechange et de réparation qu’il faut avoir. Sur un voilier, quelque chose tombe sans arrêt en panne ou se casse !
Q5 : Quels ont été vos plus grosses désillusions depuis le départ ?
Et vos plus belles surprises ?
Dans les récits de voyage et sur les chaînes YouTube, tout a l’air tellement paradisiaque ! Au cours de notre voyage, nous avons découvert la face cachée de la vie sur un voilier. Premièrement, nous sommes sans arrêt en train de réparer quelque chose. Pas étonnant, car un voilier subit sans cesse des agressions : vent, pluie, sel, humidité, soleil et rayons UV, secousses. Nous vivons dans un atelier de réparation flottant. Deuxièmement, nous étions surpris du budget qu’il faut consacrer à l’entretien et aux réparations. Tout coûte vite cher. Un bateau est un puits sans fond.
En contrepartie, la récompense est énorme. Découvrir de nouveaux pays et de nouvelles saveurs, des paysages sublimes, faire des rencontres inoubliables. Il ne nous faut finalement pas grand-chose pour être heureux.
Q6 : Quelle proportion entre navigation et escales ?
On part souvent avec une idée en tête : en voir le plus possible ! Or, un voilier est un moyen de locomotion très lent ayant une vitesse moyenne de 5 nœuds (9,2 km/h). Rien que la traversée de l’Atlantique au départ du continent européen (Gibraltar – Petites Antilles) prend un mois. Il faut donc bien souvent revoir ses ambitions d’escales et de visites à la baisse. Les imprévus en voilier sont nombreux, surtout à cause de la météo et des réparations qui dictent le rythme du voyage. De plus, les océans connaissent aussi des saisons. Ils ne sont pas praticables toute l’année. Par exemple, si vous ne traversez pas l’Atlantique vers les Caraïbes entre novembre et mars, c’est loupé, il faudra attendre l’année suivante.
Notre philosophie est de voyager lentement et de profiter des escales. Nous sommes restés 10 mois aux Canaries et visiterons les Caraïbes pendant un an et demi. Au total, nous avons passé presque 7% du temps de notre voyage en navigation (en excluant les 2 mois et demi de confinement pendant la pandémie covid). Cela correspond en moyenne à une heure et demie de navigation tous les jours. Pour les autres navigateurs, c’est le double du temps.
Q7 : Les contraintes du voilier dans la réalisation d’un Tour du Monde ?
• La lenteur : entre 9 à 10 km/h en moyenne. Mieux vaut ne pas être pressé.
• La météo : Si les prévisions ne sont pas bonnes, on peut être obligé de quitter un endroit d’urgence même en pleine nuit. Et parfois, on reste coincés plusieurs jours à un endroit. Mieux vaut être souple au niveau planning.
• Les vents : on réalise un tour du monde en voilier dans le sens des vents sur les océans. Ça restreint par conséquent les possibilités de parcours. De plus, traverser l’Atlantique ou le Pacifique n’est possible que quelques mois par année, quand les vents sont bien établis, en dehors de la saison cyclonique.
• Les réparations : quelque chose tombe toujours en panne. Il faut donc savoir tout réparer ou faire au moins un dépannage de fortune. Que ce soit au milieu de la nuit ou au milieu de l’océan.
• Les mouillages : pour jeter l’ancre, un voilier a besoin de sable et d’un endroit abrité du vent et de la houle (des vagues). On ne peut pas « garer » sa maison flottante où on veut.
• Le roulis : un voilier flotte sur l’eau et bouge au grès des vagues. Sous l’effet des marées, même par temps très calme, un bateau peut se mettre à rouler, c’est-à-dire à s’incliner de droite à gauche, parfois d’une manière insupportable. Les nuits au mouillage sous ces conditions sont épuisantes.
Q8 : Comment gère t-on la promiscuité et le manque d’espace à bord ?
Ce sont effectivement deux autres contraintes du voilier. Il est vrai que nous avons parfois envie de jeter l’autre par-dessus bord ou de faire couler le bateau ! Mais nous avons choisi tous les deux ce mode de vie. Si dans un couple, l’un des deux subit cette façon de vivre car c’est le rêve de l’autre, le voyage ne dure généralement pas longtemps. Et pour le manque d’espace, on s’adapte. Notre vie moderne à terre était remplie de frustrations. Pour les combler, nous achetions des choses inutiles. Sur le bateau, pas de frustration et par conséquent pas d’achat compulsif. On réapprend à vivre avec le strict minimum.
Q9 : Coté budget, vous pouvez nous en dire un peu plus ?
Avez-vous choisi de travailler en route ?
Notre voyage est entièrement financé par nos économies. Nous avons fixé notre budget à 1000 euros par mois et par personne tout compris. Finalement, le voilier est le plus gourmand. Nous menons une vie sans folies, renonçons à certaines visites payantes, n’allons au restaurant que rarement. Prévoir une cagnotte annuelle pour les réparations imprévues et le remplacement d’équipement est nécessaire. Vivre avec un budget serré reste trop risqué : il y a déjà suffisamment de bateaux-cadavres du fait que les propriétaires n’avaient pas les fonds nécessaires à l’entretien.
Au départ, nous avons envisagé d’accueillir de temps à autre des gens à bord pour renflouer un peu la caisse. Cependant, donner rendez-vous à une certaine date est très compliqué et risqué quand on voyage en voilier car la météo reste imprévisible. Tant que nous respecterons notre budget, nous profiterons de l’aventure sans obligation de travailler.
Q10 : 3 conseils à donner à ceux qui voudraient suivre vos traces ?
• Les rêves : Dans quelques années, que regretteriez-vous le plus ? Probablement de ne pas avoir réalisé vos rêves. Le temps passe vite et la vie est courte. N’attendez pas l’âge officiel de la retraite pour réaliser le voyage de votre vie !
• Le budget : Ne partez pas avec un budget trop serré. Un voilier est un gros gourmand. Pour réduire les frais, optez pour un voilier plus petit avec moins d’équipement sophistiqué et donc moins de choses à réparer.
• La formation : Préparez-vous pour le grand départ en suivant des formations. Suivez des stages de navigation, un cours d’électricité, un cours de moteur diesel. Cela vous évitera de faire des erreurs, casser le matériel et piocher dans votre budget pour les réparations. Suivez ceux qui sont déjà en voyage via leurs chaînes YouTube, leurs blogs ou leurs comptes Facebook et Instagram. Et n’hésitez pas à leur poser des questions directement.
Retrouvez les aventures et conseils de Dajana et Ivo
sur leur blog Silkap – tour du monde en voilier
3 réponses
Vocês são pessoas incríveis, que optaram por usufruir da vossa vida!! Sejam felizes e que o universo vos proteja. Boas viagens!!! Um abraço para os dois!!! Lucie
Bonjour et merci pour votre très beau blog. un plaisir à consulter. Nous vivons également à bord. Nous serons ravis de vous recevoir à notre bord si nous nous croisons un jour dans un mouillage. belles navigation a vous
Maeva Articles récents…Bonjour tout le monde !